vendredi 3 octobre 2025

Editorial: Agir, enfin

 Il y a quelques jours, le quotidien marocain Al Akhbar a rapporté un fait divers très particulier. Deux fonctionnaires marocains (un homme et une femme), employés dans une administration publique du célèbre quartier Agdal de Rabat, sont tombés dans les filets de la police grâce à un ressortissant mauritanien. Venu chercher un document – délivré, en principe, sans frais par ladite administration – notre compatriote s’est vu proposer, par les deux indélicats, de passer d’abord à la caisse pour pouvoir l’obtenir. Il appelle aussitôt un numéro vert destiné à recevoir les plaintes de ce genre. Le Parquet ordonne à la police de prendre contact avec lui. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les limiers décident de l’utiliser comme appât et de mettre en place un traquenard pour prendre les deux rapaces la main dans le sac. Notre ressortissant fixe donc ainsi à ceux-ci un rendez-vous dans l’après-midi, pour leur remettre le montant. Au moment même où ils s’apprêtent à l’encaisser, les policiers font irruption et les arrêtent la main dans le sac. Présentés à la justice en comparution directe, ils ont été condamnés à quatre mois de prison ferme chacun. 

Une affaire qui devrait décourager les nombreux fonctionnaires encore enclins à exiger quelque dessous-de-table, en échange du service pour lequel l’État leur paye un salaire. Et que dire de nous ? Si un numéro vert comme celui-là est mis en place et la moindre dénonciation suivie d’effets, combien de nos agents se retrouveront-ils derrière les barreaux ? Il est indéniable que la corruption et la gabegie font partie des maux qui minent notre administration et, tant que des mesures radicales, dictées par une volonté politique inébranlable, ne seront pas prises, ces pratiques auront encore de beaux jours devant eux. Messieurs les dirigeants, faites quelque chose! Il n’est jamais trop tard pour bien faire, dit-on, mais il faut au moins commencer un jour ou l’autre ! Et le plus tôt sera certainement le mieux…

 

                                                                                                  Ahmed ould Cheikh

vendredi 26 septembre 2025

Editorial: Eternel recommencement

 Après des rumeurs de plus en plus insistantes sur l’imminence d’un changement de gouvernement dont même le chef serait partant à coup sûr, la montagne a finalement accouché d’un léger remaniement. Quatre ministres ont été défénestrés et un cinquième a vu sa chute amortie par un tremplin à la présidence. Pourquoi quatre ? Ont-ils été mauvais ? N’ont-ils pas réussi les missions pour lesquelles ils ont été nommés ? Ont-ils été jetés en pâture à une opinion publique friande de changements ? Et ceux qui les ont remplacés ? Sur quels critères ont-ils été choisis, si ce n’est les dosages tribalo-régionaux ? Feront-ils mieux que ceux qu’ils ont remplacés ? Réponse dans un an… lorsque l’heure du changement sonnera de nouveau et que les rumeurs commenceront à enfler sur l’inéluctabilité d’un énième remaniement ministériel. Notre pays est probablement le seul au monde où le choix des ministres ne répond à aucune logique. On peut bombarder un docteur en chimie ou un mécanicien de bateau ministre des Affaires islamiques. Du temps de Maaouya ould Taya, la fonction de ministre était tellement banalisée que certains étaient nommés pour un ou deux mois sans comprendre ce qui leur arrivait. On n’en est heureusement plus là mais il faut au moins laisser le temps à ces pauvres ministres de prendre leurs marques et ne leur demander des comptes qu’après. Un an, c’est juste suffisant pour commencer à mettre en œuvre le programme sur lequel a planché le ministre plusieurs mois depuis sa nomination. Une fois celui-ci renvoyé, on repart de zéro et le nouveau venu prendra le même chemin avant d’être remercié à son tour. Qui a dit que l’Histoire est un éternel recommencement ?

                                         Ahmed ould Cheikh

vendredi 19 septembre 2025

Editorial: Chassez le naturel....

 Des tribus qui se réunissent au vu et au su de tous pour choisir leurs chefs. D’autres qui organisent des festivals ouvertement en leur nom. D’autres, enfin, qui se plaignent de ne pas avoir leur part du gâteau que constituent les hautes fonctions.  On a assisté ces derniers mois au retour en force de la tribu sans que l’État ne lève le petit doigt. Il y a quelques mois pourtant, Mohamed Salem ould Merzoug, encore ministre de l’Intérieur, avait envoyé une circulaire à toutes les autorités administratives interdisant toute manifestation à caractère tribal. Et la consigné fut respectée… du moins jusqu’à son départ. Mais chassez le naturel, il revient au galop. Il y a des réflexes qui ont la vie tellement dure que, même avec la meilleure volonté du monde, il est pratiquement impossible de s’en défaire. Et la tribu en fait sans conteste partie. Feu Mokhtar, le père de la Nation, l’avait combattue intelligemment. Ainsi les chefs de tribus étaient reconnus par l’État et avaient même droit à un traitement symbolique du Trésor public. Mais une fois ceux-ci morts et enterrés, leurs remplaçants n’ont plus été reconnus par l’Administration et ne percevaient donc plus rien. L’idée du fin stratège était apparemment de faire disparaître les chefferies par extinction pour reprendre un mot en vogue à l’époque. Mais il lui arriva aussi de leur donner des coups plus violents. Ainsi tous les fonctionnaires qui avaient assisté à une réunion tribale en 1974 furent tous été limogés d’un coup. En ce temps pourtant, la tribu était pourtant plus forte et l’État juvénile. Mais il y avait une volonté. Et c’est ce qui compte quand on veut bâtir un État.

 

                                                Ahmed ould Cheikh

lundi 8 septembre 2025

Interview (presque) imaginaire avec le président Ghazouani

 Le Calame : Assalamou aleykoum, Monsieur le président !

Le président Ghazwani : Aleykoum Essalam ! (Il commence à invoquer Allah et son Prophète (PBL) et récite plusieurs versets du Saint Coran pointant un doigt dans chaque direction cardinale…)

- C’est la première que vous vous entretenez avec un journal local….

- Pas tout-à-fait. J’ai quand même déjà tenu une conférence de presse avec la presse privée nationale. C’était quand déjà ?

- En Février 2020.

J’en tiendrai bientôt une autre, incha Allah.

- Quand ?

- En 2029.

- Mais c’est loin !

- Pas du tout ! Le temps s’écoule à une telle vitesse que je ne le vois pas passer. 2029, c’est demain. Je commence déjà à regretter la présidence.

- Mais vous êtes là encore pour quatre ans…

- 4 ans ? Je croyais que c’était quelques mois tellement ça va vite.

- Mais vous devez vous reposer après toutes ces années passées à servir votre pays…

- Qui vous dit que je suis fatigué ? Tout le monde me dit qu’il faut se reposer mais je me repose. Je dors, je dors…

- Avez-vous une idée de qui va vous remplacer ?

- Mais je suis encore là !

- Vous allez donc appliquer la règle du « j’y suis, j’y reste » ?

- Feu Mokhtar avait dit un jour que la présidence a un goût particulier. Il ne croyait pas si bien dire. D’ailleurs, elle a maintenant plus de goût (rires).

- N’est-il pas temps pour le pays de tourner la page des militaires ?

Quels militaires ? Moi, je ne suis plus militaire. Aziz, euh… n’en était plus un.

- En parlant d’Aziz, comptez-vous le gracier avant votre départ ?

- Euh…. J’ai trouvé le pays dans une situation difficile et nous travaillons à le remettre sur les rails.

- Vous arrive-t-il d’évoquer avec vos ministres la fin de votre second mandat et l’éventualité d’un troisième ?

On ne parle de corde dans la maison d’un pendu. C’est un sujet sensible en effet. Ils ne veulent évidemment pas que je parte. Il faut reconnaître que je ne suis pas insensible à leurs arguments mais chaque chose en son temps. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs.

(Son aide de camp lui apporte un téléphone : c’est le PM et c’est urgent apparemment). Puis, après avoir raccroché :

- C’est encore Ould Djay qui se plaint que certains ministres n’appliquent pas ses consignes. Pourtant avec moi, ils sont gentils. Ils n’arrêtent pas de hocher la tête et même de rire sans raison.

- Biram et Samba Thiam continuent à réclamer la légalisation de leurs partis. Qu’attendez-vous pour les reconnaître ?

- C’est un dossier géré par le ministère de l’Intérieur et je n’interviens jamais dans le travail des ministres surtout s’ils le font bien.

- Vous allez assister à l’investiture de Sidi ould Tah à la BAD ?

- Effectivement. Je dois d’ailleurs vous laisser, je vais de ce pas à l’aéroport. Mon avion m’attend.

 

                                                            Propos (presque) recueillis par Ahmed ould Cheikh

vendredi 29 août 2025

Editorial: Ras-le-bol

 Depuis quelques jours, une affaire de mœurs qui s’est déroulée à Nouadhibou enflamme les réseaux sociaux. Los d’une cérémonie de mariage où l’argent coulait à flots, deux hommes, pas très réguliers sur les bords et sans doute emportés par leur élan, se sont donné la bise. Et même plus, selon certains. Au vu et au su de tous ! Il n’en fallait pas plus pour que la Toile s’embrase. Pour certains, la société est devenue tellement permissive qu’il est désormais possible de s’adonner à de telles pratiques en public sans craindre d’être voué aux gémonies. Pour d’autres, la coupe est pleine, plus rien ne peut surprendre, l’impunité est devenue la norme.. Et l’État croise les bras au moment où les comportements déviants ont tendance à devenir monnaie courante et ceux qui les pratiquent pignon sur rue ! Ils ont voix au chapitre et leur influence ne cesse de grandir. Mais, comme pour couper court à toutes ces rumeurs, la justice s’est saisie de l’affaire. Nos deux larrons ont été épinglés l’un à Nouadhibou, l’autre à Nouakchott. Ils seront entendus par un juge et sans doute déférés… si la procédure suit son cours normal. Mais gageons qu’il n’en sera rien. Leurs protecteurs – et il y en a à tous les niveaux… – ne manqueront pas de se manifester pour faire clore le dossier et permettre aux impudiques d’échapper à un procès, le premier du genre, qui ne manquerait pas d’être retentissant. Il y a, en tout cas, comme un ras-le-bol et, si chacun a effectivement le droit de mener son intimité comme il le veut – C’est Dieu seul qui en jugera… – il doit cependant respecter la loi du public, telle qu’elle est clairement définie en Islam. Notre république n’est-elle pas islamique ?

                                                         Ahmed ould cheikh 

mercredi 27 août 2025

Editorial: Silence, on pille!

 Aly ould Bakar, un lanceur d’alerte, a été arrêté il y a quelques jours à Nouadhibou. Déféré en prison, il s’est retrouvé, tête rasée, au milieu de prisonniers de droit commun à la mine patibulaire, sans rien comprendre à cette situation ubuesque. Son crime ? Avoir dénoncé le pillage systématique de nos ressources halieutiques par des bateaux turcs disposant de complicités à divers niveaux qui leur garantissent l’impunité. Il y a quelques mois, « Le Calame » avait pourtant publié des images de ces mêmes bateaux naviguant dans des zones interdites réservées à la reproduction. Délestés de leurs balises qui permettent aux garde-côtes de suivre leur parcours en temps réel, ces trafiquants s’adonnent à leur forfait et rentrent au bout de quelques heures, les cales remplies à ras bord de poissons de qualité. Nos images et informations nous avaient été fournies par des opérateurs du secteur, révoltés par cette situation. Ce qui conforte les observateurs est que d’autres bateaux turcs, obligés de respecter les zones de pêche qui leur ont été allouées en vertu de la nouvelle réglementation, ont été obligés de plier bagages et d’aller voir ailleurs, leur pêche n’étant plus rentable. Seuls six à sept chalutiers « chanceux » sont restés dans nos eaux. Et, apparemment, il n’est pas bien vu de les dénoncer. Ould Bakar l’a appris à ses dépens. Avis à ceux qui seraient tentés de prendre le même chemin : mieux vaut assister en spectateur à l’innommable que de se retrouver derrière les grilles ! Bay Pekha, réveille-toi, ils sont devenus fous ! Le secteur pour lequel tu t’es battu toute ta vie est en train de partir à vau-l’eau.

 

                                                             Ahmed ould Cheikh

samedi 16 août 2025

Editorial: Urgence routière

 La vidéo a fait le buzz sur la Toile, la semaine dernière. On y voit un motard étranger, caméra vissée sur le casque, slalomer entre les trous béants de la route Nouadhibou-Nouakchott (qu’il serait injuste de nommer nids de poule, tant ils sont énormes), faire des commentaires genre « la route la plus mauvaise du Monde » et plaindre les nombreux usagers de cet axe obligés de vivre un véritable calvaire. Et pourtant, elle tourne ! Ce qu’a divulgué ce blogueur du dimanche n’est que la stricte vérité. Nos routes sont dans un état déplorable. Si l’on excepte la route Nouakchott-Rosso construite par une société française, sur financement de l’Union européenne et donc selon de strictes normes, les autres se détériorent à la vitesse grand V. Les axes Nouakchott-Nouadhibou, Akjoujt-Atar, Nouakchott-Boutilimit, Aleg- Boghé et autres n’ont plus de routes que le nom. Il suffit de demander à ceux qui les empruntent tous les jours pour se rendre compte que le tourisme intérieur cher à notre Président ne sera pas de tout repos. À qui la faute ? À l’État qui attribue les marchés à des sociétés techniquement défaillantes et n’ont aucun respect pour les délais ? Aux bureaux de contrôle qui font preuve de complaisance, en n’exigeant aucune conformité avec les cahiers de charges ? Aux prix appliqués avec lesquels il est impossible d’exiger un travail de qualité ? Il est plus que temps d’envisager des états généraux des routes pour établir un diagnostic sans complaisance de la situation et lui trouver des solutions radicales. L’hécatombe qu’on voit tous les jours ne peut plus attendre. Le dialogue politique, oui, sans aucun doute !

                                                                Ahmed ould Cheikh